Compte-rendu d’une rencontre réunissant des experts praticiens de l’éthique dans le monde économique :
- Michael Smith, journaliste et auteur, notamment, de Leading with Integrity (Routledge, 2019)
- Emmanuel de Lutzel, ancien cadre de BNP Paribas, co-auteur de « Transformez votre entreprise de l’intérieur, le Guide de l’intrapreneur social » (Rue de l’Echiquier, 2015).
- Laurence Fabre, avocate, responsable du programme Secteur Privé, Transparency International France.
Co-organisée par Initiatives of Change Business & Economy, Transparency International et le cabinet Ethique Pratique Conseil, la rencontre a réuni environ 25 personnes issues du monde professionnel. Animée par Antoine Jaulmes, fondateur d’Ethique Pratique Conseil et animateur d’Initiatives of Change Business & Economy, la soirée avait pour but de se confronter à des questions telles que : comment concilier ses convictions personnelles, les comportements de groupe et la culture d’entreprise ? Comment faire évoluer cette dernière ? Comment porter avec l’entreprise la notion de responsabilité sociale et environnementale ?…
Trois approches de l’éthique en entreprise
Pour Michael Smith, auteur d’un livre récent intitulé « Leading with Integrity », les décisions éthiques demandent courage et intégrité dans les hautes sphères entrepreneuriales. Afin d’illustrer ses propos il a, entre autres, donné l’exemple de Lawrence Bloom. Membre du comité exécutif d’une chaîne hôtelière, il a été à l’origine de la décision de ne plus changer les serviettes tous les jours. Cette idée, d’abord mal reçue et qui aurait pu lui coûter son poste, était guidée par un souci du respect de l’environnement et a finalement été partagée à tous les groupes hôteliers qui l’ont adopté à leur tour.
Emmanuel de Lutzel a voulu montrer l’importance de l’individu et des liens à créer à travers eux avec des associations. Il a en effet souligné que, depuis une dizaine d’années, entreprises et associations, qui s’étaient souvent ignorées ou opposées, ont appris à se connaitre et à nouer des partenariats. Il a aussi été intrapreneur social et a fait appel à son expérience personnelle pour illustrer ce que c’est : en partant d’une conviction personnelle, lui aussi a dû surmonter ses peurs pour convaincre le PDG de sa banque de l’intérêt de créer un département de microcrédit. La microfinance, créée en 2006 chez BNP Paribas, est à présent une activité bancaire à part entière avec un impact social positif sur plusieurs millions de personnes. Emmanuel de Lutzel a par ailleurs lancé dans sa banque une initiative pour le bénévolat de compétences, qui est devenue en 2009 un vrai projet appelé mécénat de compétences et qui aide à présent une quarantaine d’associations.
Laurence Fabre, avocate et représentante de Transparency International France, a exposé les différentes activités de l’organisation. Connue pour son travail en matière de lutte contre la corruption, elle a mis ici l’accent sur les activités en matière de travail d’éthique dans les entreprises. Elle a aussi répondu de manière précise et documentée à plusieurs questions pendant le débat, notamment sur les lanceurs d’alerte.
Un focus sur les lanceurs d’alerte dans les débats
Les participants ont réagi, entre autres, sur les pratiques de “greenwashing” (ndlr : discours écologique de façade) de certaines entreprises qui ne pratiquent l’éthique que pour renforcer leur chiffre d’affaire. Mais c’est surtout la question de la protection des lanceurs d’alertes qui a retenu l’attention.
Mme Fabre a ainsi souligné que les lanceurs d’alerte prenaient de gros risques. En effet beaucoup se retrouvent sans emploi, parfois à la rue, écrasés de procédures, accusés de diffamation, de vol de données… Mais la situation en France s’est beaucoup améliorée avec la création de la Maison des Lanceurs d’Alerte et la loi Sapin, qui apporte une protection aux lanceurs d’alerte. Questionnée sur les affaires Snowden et Assange, Mme Fabre a rappelé que Transparency International a apporté son soutien à M. Snowden, de même qu’à de nombreux autres lanceurs d’alerte moins médiatisés. En revanche la position de Transparency International est plus nuancée vis-à-vis de M. Assange, qui a été accusé de violences sexuelles et s’est privé de nombreux soutiens de différentes manières.
De l’avis général, la difficulté en matière d’éthique, c’est de créer une forme de culture d’auto-questionnement, afin que chacun puisse évaluer honnêtement son propre comportement. « Quand on arrive à le faire sur le sujet des conflits d’intérêts on a déjà beaucoup gagné, souligne Laurence Fabre, mais c’est très difficile, même pour des salariés, d’arriver à s’auto-questionner sur un potentiel conflit d’intérêt. »
La réunion s’est conclue par les remarques de clôture de Mounir Beltaïfa, vice-président international d’Initiatives et Changement et homme d’affaires, qui a apporté une dimension internationale à la discussion. D’après les réactions très positives à la fin de cette réunion, gageons que cette réunion très intéressante sera suivie d’autres conférences ou tables rondes qui le seront tout autant !
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