La compétence ne protège pas des erreurs
Nous apprenons régulièrement que des dirigeants d’entreprises ou des personnalités politiques sont condamnés pour des faits en relation avec leurs intérêts personnels.
Comment se peut-il que des personnes, si compétentes, pertinentes et efficaces dans leurs métiers, puissent faire des erreurs grossières dans des décisions personnelles qui, avec les avancées modernes de la société et des technologies, ont toutes les chances de les conduire devant un tribunal ? Au-delà de l’éthique, cette question porte sur l’efficacité de leurs décisions.
Comment le cerveau déraille
Les neurosciences et la psychologie sociale nous permettent aujourd’hui de comprendre comment les cerveaux les plus brillants commettent de lourdes erreurs de jugement. Nous savons par exemple que le cerveau humain analyse spontanément les situations par analogie avec ce qu’il connaît déjà, et qu’il applique alors des solutions prédéfinies. C’est plus rapide et plus économe en ressources, et cela nous a été un avantage tout au long de l’évolution des espèces. Mais dans des cas complexes, si nous ne nous donnons pas les moyens de passer sur le « système 2 » qui soumet toutes les données du problème à une analyse rationnelle, plus lente et consommatrice d’énergie, ces mécanismes nous font dérailler.
Une circonstance aggravante est la présence de biais personnels : conflit d’intérêt, attachement émotionnel excessif, ou souvenirs trompeurs, ces expériences qui semblent comparables à la situation nouvelle mais qui ne le sont pas et nous emmènent sur de fausses pistes. C’est ainsi que le général Matthew Broderick est parti se coucher juste avant la ruine des digues de la Nouvelle-Orléans, lors des dramatiques inondations de 2005, après avoir assuré au président des États-Unis qu’elles tenaient bon. Il semble que sa longue expérience opérationnelle ne comportait pas beaucoup de cas similaires…
L’intérêt d’être accompagné dans la prise de décision stratégique
Sous stress, sous la pression du délai et de la multiplicité des informations, il y a des chances très faibles pour qu’une personne seule puisse faire l’une des choses plus difficiles pour l’esprit humain, à savoir revenir sur sa première évaluation d’une situation. Le dirigeant gagne à se faire accompagner dans ses prises décisions stratégiques par des individus ou des groupes.
Ces personnes doivent toutefois être bien choisies pour être en mesure de l’aider.
Le plus simple est d’avoir recours à des aides internes, instances de gouvernance, comités de direction ou tout individu éclairé qu’ils peuvent consulter pour information et pour obtenir un avis ou un écho sur leurs décisions. Ces aides sont toutefois parties prenantes des décisions sur lesquelles leurs avis sont demandés et leurs propres raisonnements sont soumis à leurs biais d’intérêt.
Le recours à des ressources externes, professionnels de l’accompagnement des dirigeants et répondant à une éthique irréprochable, est bien entendu fort intéressant quand c’est matériellement possible. Il peut s’agir d’individus comme des conseillers de direction, des executive coachs, des sparring partners ou des groupes comme des comités consultatifs.
Le dirigeant est écouté, la cohérence de sa pensée est vérifiée, ses croyances sont questionnées, objectivées, une analyse des risques est proposée, de nouvelles voies sont ouvertes… Il lui est alors possible de reconstruire et de rationaliser sa pensée.
Développer des habitudes de pensée et d’action vertueuses
Ainsi, plutôt que de s’en remettre à sa seule intelligence, à ses seules connaissances techniques ou à son intuition, le dirigeant avisé gagne à reconnaître son imperfection, à prendre du recul par rapport à sa pensée immédiate, à reconnaître, accepter et se méfier de ses biais et de ses défauts, et à confronter ses idées à celles de conseillers ou de personnes de confiance. Se ramener aux valeurs, aux règles éthiques et aux axes stratégiques de l’entreprise permet d’éviter des erreurs et des approximations.
En prenant le temps d’analyser les situations avec d’autres, le dirigeant augmente ses chances de prendre des décisions efficaces et pertinentes.
Article co-écrit par Jean-Louis Galano et Antoine Jaulmes
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