Devant une crise globale, inédite par ses conséquences sur la vie des entreprises, leurs responsables sont assaillis de priorités multiples à traiter en très peu de temps. La première de ces priorités est la survie de l’entreprise à court-terme, et donc le plan de continuité d’activité, mais c’est inséparable d’une préparation de la sortie de crise, qui doit être l’occasion d’un véritable rebond, et de la nécessaire réflexion sur les leçons apprises à l’occasion de cette crise. Même débordé par l’avalanche de problèmes à traiter simultanément, comment négliger ce dernier volet, essentiel pour la pérennité de l’entreprise ? Il faut qu’elle retombe sur ses pieds et soit prête à s’élancer dans la bonne direction au plus tôt, quitte à requérir l’assistance de compétences extérieures.
Cette assistance pourra d’ailleurs aider à traiter des difficultés relevant des deux premières priorités, par exemple améliorer en urgence le fonctionnement en télétravail et sa régulation, étudier les solutions d’économies pour optimiser la trésorerie, renforcer la solidarité interne (mentoring, peer-coaching…). Pour préparer la relance, une aide pourra aussi être la bienvenue dans les domaines marketing et commercial, financier, humain ou opérationnel (rationalisation de la production ou des achats par exemple).
Mais le plus difficile est de capitaliser immédiatement les leçons de la crise et de les convertir sans tarder en nouvelles orientations.
Car personne ne conteste que la pandémie, qualifiée de « game changer » par le ministre de l’économie Bruno Le Maire dès le 25 février dernier, ne modifie bon nombre de priorités, tant pour les individus que pour les gouvernements comme, bien entendu, pour les entreprises.
La crise du Covid-19 nous aura en effet montré les fragilités jusque-là insoupçonnées, ou sciemment ignorées, d’un monde dont la population a plus que triplé en un siècle : fragilité sanitaire d’abord, malgré la science et les équipements médicaux, mais aussi fragilité d’une économie basée sur des échanges internationaux à longue distance (commerciaux aussi bien que touristiques), fragilité même de nos acquis en matière de qualité de vie, voire de sécurité personnelle. Dans un registre plus positif, la crise aura aussi mis en lumière de remarquables exemples de solidarité, souvent organisés via les réseaux sociaux, et de dévouement professionnel de la part des nombreuses professions « en première ligne ». Les valeurs de solidarité et de service seront donc durablement en hausse, mais, pour ne pas casser ce ciment social, il ne faudra pas oublier de reconnaître ceux qui auront été à la pointe du service et du dévouement. Enfin l’épidémie aura fait prendre conscience de l’intérêt de disposer d’un État et de services publics efficients et capables de mener à bien leurs missions de sécurité, d’organisation et de prévoyance. Ces prises de conscience vont accélérer certains changements qui couvaient déjà dans la société, ce qui va impacter lourdement les entreprises.
Premier impact stratégique et commercial : la prégnance du souci du local et de l’écologie. On ne pourra plus, en tous cas dans l’immédiat après-crise, vendre les mérites de la mondialisation, que ce soit en termes d’approvisionnement (le kiwi français sera donc vainqueur par K.O. du kiwi néo-zélandais sur le marché national, même s’il s’exportera peut-être plus difficilement), ou en termes de produits (les voyagistes devront présenter une offre plus responsable et plus sécurisée s’ils veulent continuer à proposer des vacances supposées paradisiaques à l’autre bout du monde.) Les sociétés qui sauront valoriser leur approche éco-responsable, locale et sécurisée, sauront capter l’attention de nouveaux prospects et clients. Selon le secteur d’activité, ce thème se décline en toute une série de transformations, et de nombreuses études sont nécessaires pour simuler et préparer les décisions appropriées et leur déploiement.
Par exemple, comment sécuriser ses approvisionnements dans un monde où les relocalisations auront pour un bon moment le vent en poupe, autant que les délocalisations l’avaient eu il y a quelques années ? Les politiques d’achat continueront à s’intéresser aux pays bas-coûts mais avec davantage de précautions (la dépendance excessive des industries envers la Chine est en particulier remise en cause) et davantage de nearshoring (achats au plus près, par exemple en Europe orientale ou autour du bassin méditerranéen). Pour objectiver les arbitrages entre les coûts (achats et logistique) et la sécurité d’approvisionnement, de nouveaux outils permettant d’évaluer les deux termes du compromis seront à mettre en œuvre.
Autre exemple, le mouvement déjà engagé en faveur de la diminution des empreintes carbone va s’amplifier via des pressions de la part de l’opinion publique (dont font partie les clients et certains actionnaires) et parfois du personnel même des entreprises. L’usage des produits chimiques potentiellement toxiques va continuer à être traqué par les media et par des plates-formes d’information comme les applications Yuka (8 millions d’utilisateurs en France), Kwalito, ScanUp, Foodvisor, INCI Beauty, Clean Beauty, etc. L’opportunité de prendre l’initiative en termes de développement éco-responsable n’aura jamais été aussi claire…
Un second domaine concerne la relation entre l’entreprise et son personnel. Plus que jamais, les valeurs de loyauté et d’attachement à l’entreprise auront été clé pendant cette période troublée, et le seront encore lors de la relance de l’activité. Dans de nombreuses entreprises, la période de confinement aura en effet nécessité, parfois à la demande expresse de l’employeur, un engagement fort, voire du dévouement de la part de tout ou partie du personnel pour garantir les fonctions essentielles de l’entreprise. Dans d’autre cas, la réduction d’activité prolongée et l’isolement physique auront porté atteinte au moral et à la motivation du personnel, accroissant les risques psycho-sociaux. Dans les deux cas, le « contrat social » non écrit qui lie l’entreprise et son personnel en sera affecté, et il sera indispensable que le caractère spécial du facteur humain dans le succès de l’entreprise soit pleinement reconnu. Certes, cette reconnaissance s’exprimera sans doute au travers de primes et de communications adaptées, mais cela n’est pas illimité, surtout en période de difficultés financières, et cela pourrait passer pour du business as usual. A circonstances exceptionnelles, traitement exceptionnel, le « nouveau contrat social » dont l’entreprise comme son personnel auront besoin passera par des démarches à adapter en fonction de la situation de l’entreprise et de son historique : renforcement de l’intéressement au résultat, dispositions pour développer les différentes dimensions de la qualité de vie au travail (contenu, environnement physique et organisation du travail, relations sociales, réalisation et développement professionnel, respect de l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle), développement ou refonte d’une charte interne qui tout à la fois démontre le respect et l’appréciation de l’entreprise vis-à-vis de son personnel, et clarifie de manière transparente et sécurisante les attentes de l’entreprise en termes de comportement individuel et social.
Aucune de ces réflexions, études et décisions ne peut être repoussée à plus tard malgré la pression du jour le jour de la survie de l’entreprise, car, pour réussir son redémarrage, l’entreprise devra s’être préalablement adaptée au nouveau contexte qui aura émergé. Sur l’ensemble de ces thématiques, l’appui de compétences extérieures peut donc s’avérer stratégique.
Selon le dicton, on ne réfléchit que sous la contrainte. La crise du coronavirus est donc une occasion exceptionnelle de réfléchir et de se développer qu’il faut saisir.
(Article paru dans la lettre de XMP-Consult de mai 2020.)