Un danger vital plane aujourd’hui sur les entreprises. Les affaires de corruption, de pratiques anti-concurrentielles et quelques autres infractions peuvent à tout moment déclencher les foudres des procureurs américains, anglais ou français (voire japonais !) au point de handicaper et parfois d’abattre une entreprise en pleine santé. Pourtant, une approche pragmatique peut transformer ce risque en opportunité.
Etre éthique ou mourir ?
La gravité du risque a été soulignée par l’affaire Alsthom, conclue au printemps 2014 par la vente de l’ensemble de sa branche énergie à General Electric. Malgré les dénégations des intéressés, la presse d’investigation a mis en lumière que la seule façon d’éteindre les responsabilités pénales des dirigeants fut cette cession, aussi inattendue que rapidement bouclée … Et presque chaque jour, la presse nous apporte de nouveaux témoignages d’affaires liées à un manque d’éthique qui s’avèrent coûteuses voire fatales à des entreprises, et la faute d’un seul peut suffire à entraîner l’entreprise dans une spirale négative, par exemple en cas de recours, toujours tentant dans un climat de compétition exacerbée, à des méthodes illégales qui pouvaient avoir été tolérées dans le passé. Se prémunir face à ce risque implique donc une démarche inclusive de tout le personnel et des partenaires de l’entreprise.
Une démarche nécessairement participative
Dominique Lamoureux, directeur éthique de Thales, le disait dans une interview en 2016 : « Deux approches sont possibles : d’une part l’approche fondée sur les comportements et les valeurs, et, d’autre part, l’approche basée sur le strict respect des réglementations où l’on se contente de cocher les cases d’un formulaire purement déclaratif. Mais la complexité des relations entre les acteurs économiques, la complexité des échanges font qu’on ne peut plus cocher les cases dans un tableau. Il faut alors valoriser deux choses : l’intelligence de chacun dans l’entreprise comme à l’extérieur, et l’adhésion. Ne mettons pas l’accent sur les ordres, les instructions et l’obéissance mais plutôt sur le partage des enjeux et des risques. Apportons de l’aide et de l’écoute aux collaborateurs ! Il faut faire confiance aux individus, travailler sur les comportements et l’appropriation, valoriser le partage, avoir une approche bottom-up. »
Un changement culturel profond
Il s’agit donc de faire adopter par tous un ensemble de valeurs et de principes qui seront mis en pratique inconditionnellement et prioritairement au quotidien, déterminant un comportement et ultimement une culture commune. Impulser un tel changement implique un déploiement méthodique, la mise en place de systèmes d’alerte internes et la supervision du domaine par un comité d’éthique interne pertinent rapportant au plus haut niveau de l’entreprise.
Une vision stratégique éthique ?
L’effort d’adaptation concerne donc au premier chef la Direction générale, clé de la crédibilité de la politique éthique par l’exemplarité, la communication et la gouvernance de l’entreprise. En récompense de ses efforts, outre sa protection contre les risques juridiques et réglementaires, l’entreprise récolte la motivation et la cohésion du personnel, et la confiance des clients, des fournisseurs et des investisseurs, une véritable opportunité pour un nouvel élan. La cohérence dans la durée étant un capital immatériel aussi vital que le capital financier, il y a là aussi une opportunité d’alignement stratégique.
Il est temps que les entreprises, jusques et y compris les PME, réalisent l’avantage compétitif voire stratégique qu’il y a à surfer sur la vague éthique plutôt qu’à se laisser submerger par elle.
article paru dans la Revue des Mines, n°500 (décembre 2018, p.103)